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Un blog sur l'histoire, la géographie et l'éducation civique enseignées dans un collège de Fontenay-sous-Bois

16 et 17 juillet anniversaire de la rafle du Vel' d'Hiv.

16 et 17 juillet anniversaire de la rafle du Vel' d'Hiv.

Le 16 juillet marque la journée nationale à la mémoire des victimes des persécutions racistes et antisémites commises par le "gouvernement de Vichy".

C'est un hommage aux victimes de la politique raciste et antisémite du gouvernement de Vichy qui à partir son installation en juin 1940 et durant plus de 4 années jusqu’à la libération mis en place une politique de stigmatisation, de mise à l’écart, d’exclusion, de fichage, d’enfermement des juifs de France participant ainsi volontairement, activement et en toute connaissance de cause au processus d’extermination engagé par les nazis.

Il y a 71 ans en effet, les 16 et 17 juillet 1942 au début de ces vacances scolaires, plus de 7000 policiers et gendarmes français arrêtent à Paris et en banlieue des milliers de juifs par familles entières. C’est le moyen pour les stratèges de la police de montrer l’efficacité de leur organisation et d’affirmer son autonomie par rapport aux troupes d’occupation. Calcul ignoble qui s’appuie sur un antisémitisme d’Etat forcené et une politique plus globale dite de « révolution nationale ». C’est pour les réactionnaires fascisants au pouvoir avec Pétain l’occasion de supprimer les valeurs qu’a enracinées la Grande Révolution de 1789 dans ce qui était devenu « la patrie des droits de l’Homme ». C’est dès le début un engrenage législatif, administratif et policier implacable. La Révolution qui en septembre 1791 avait accordé aux juifs les droits de « citoyens actifs » est balayée. Des dizaines de milliers de juifs et d’autres étrangers sont dénaturalisés. Les juifs d’Algérie perdent leur citoyenneté. C’est la porte ouverte à toutes les mesures qui suivent : recensement, port de l’étoile et pour finir arrestation.

Dans notre ville de Fontenay qui compte alors plus de 30 000 habitants les 16 et 17 août 1942, ce sont au moins 45 personnes qui sont arrêtées. Leurs noms figurent sur ce Mémorial de la Liberté. Comme l’histoire n’est pas faite que de dates et de chiffres mais avant tout d’hommes et de femmes, il convient pour leur rendre hommage de parler des ces Fontenaysiens qui furent arrêtés. On est bien loin de ceux qu’on appelait les israélites, intégrés et Français depuis des générations… Les victimes fontenaysiennes de cette rafle sont de petites gens. De simple immigrés venus de Roumanie, de Pologne, de Russie, de Hongrie et de toute l’Europe centrale et orientale. Des travailleurs qui vivent modestement en exerçant leurs talents dans différents métiers : il y a un chauffeur Joseph Beniaes, une marchande de rideaux Rachel Brzeski, un ébéniste Froïm Fouterman, des tailleurs Wolf Kolbin, Pinkus Piasek, Herch Rubinstein et Ghidali Sticlaru, une couturière Léa Rubinstein, des tapissiers comme Pinkus Schwalbe et Lyba Wajs, un brocanteur comme Lévy Sciaky, une ouvrière mécanicienne comme Suzanne Stark ou une manutentionnaire comme Claire Sticlaru.

Ces braves gens qui n’avaient fait de mal à personne, ne s’attendaient en rien à être arrêté et internés. Il y avait déjà eu des rafles mais jamais de cette ampleur. Ces deux jours représentent à eux seuls plus de 56 % de toutes les arrestations de juifs dans notre ville. 23 hommes et 20 femmes dont 3 enfants n’en sont pas revenus.

Et pourtant tous ne furent pas pris. Des familles échappèrent à l’arrestation soit par hasard, soit par chance parce qu’elles avaient changé d’adresse depuis leur recensement, soit avec l’aide de certains de leurs voisins. Car s’il y eu dans la population des délateurs auteurs de lettres de dénonciation souvent anonymes, il y eu des habitants solidaires. Dans les archives on trouve des traces d’enfants sinon cachés du moins recueillis, accueillis dans notre ville. Ainsi Monique Schulzinger qui avait 7 ans et dont le père Michel, juif polonais installé à Gennevilliers avait été arrêté et envoyé à Auschwitz trouva refuge chez Mme Bodin rue Mot. Elle fut même inscrite à l’école Jules Ferry et vécu un temps dans notre ville. Car pour nombre de personne cette rafle révoltait la conscience humaine. Quel crime en effet avaient-ils commis ? Des gens sont dont on ne peut même pas dire qu’ils voulaient « une place au soleil » tant leurs vies étaient difficiles, même dans les années 1930. Ils voulaient juste le meilleur pour leurs enfants. Une place sur les bancs de l’école de la République.

Des dizaines et des dizaines de ces familles avaient fait le choix de quitter leur pays pour venir en France. Des travailleurs comme les Elek qui s’installèrent en 1930 pour quelques années dans un immeuble de la rue Dalayrac… C’est dans notre ville, à l’école Jules Ferry que Thomas le fils aîné appris la langue de Victor Hugo que son père avait connue dans les livres. Le jeune Thomas Elek qui devient au moment de la rafle du Vel’ d’Hiv un des héros du groupe Manouchian, ces francs tireurs et partisans étrangers qui firent de Paris le premier maquis de France. Ce garçon qui fit son école primaire à Fontenay est une des figures de l’affiche rouge, fusillé avec ses camarades le 21 février 1944 au Mont Valérien. Alors que la propagande de Vichy se déchaîne dans une délirante furie raciste, antisémite et anticommuniste, il écrit à ses parents quelques heures avant son exécution : « Je meurs en espérant que mes camarades auront une autre vie. Et qu’ils savent que nous avons pris une petite part à la libération de la France ».

Il faut le rappeler. La ville rendra en novembre prochain un hommage à cette famille, comme un peu un hommage à tous ces immigrés qui ont fait la France à cette époque… Hommage aussi à ceux qui se sont levés pour combattre le nazisme et Vichy à l’exemple Marcelle et Maurice Minkowski… qui à 15 et 16 ans s’engagèrent dans la lutte au péril de vie pour combattre l’inacceptable et construire un monde meilleur, libéré du fascisme, de l’antisémitisme, du racisme et de la peur de l’autre. Qu’ils en soient une fois de plus remerciés. Leur exemple est une page d’histoire et un cri d’espoir qui reprend les paroles de la chanson que nous avons entendu tout à l’heure l’hymne des partisans juifs :

« Ne dis jamais que c’est ton denier chemin

Malgré les cieux de plomb qui cachent le bleu du jour

Car sonnera pour nous l’heure tant attendue

Nos pas feront retentir ce cri : nous sommes là !

Ce chant n’a pas été écrit avec un crayon mais avec du sang

Ce n’est pas le chant d’un oiseau en liberté :

Un peuple entouré de murs qui s’écroulent

l’a chanté, un pistolet à la main ! ».

Plaque du Mémorial de la Liberté de Fontenay-sous-Bois avec les noms de 142 victimes du nazisme.

Plaque du Mémorial de la Liberté de Fontenay-sous-Bois avec les noms de 142 victimes du nazisme.

Aux côtés du Maire de Fontenay deux anciens déportés : Maurice Minkowski survivant d'Auschwitz (avec la casquette au premier rang) et Jacques Damiani survivant de Dachau.

Aux côtés du Maire de Fontenay deux anciens déportés : Maurice Minkowski survivant d'Auschwitz (avec la casquette au premier rang) et Jacques Damiani survivant de Dachau.

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