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Un blog sur l'histoire, la géographie et l'éducation civique enseignées dans un collège de Fontenay-sous-Bois

Nénette et Rintintin colifichets contre les bombes.

Il y a quelques semaines je racontais le bombardement aérien de Fontenay-sous-Bois en ce début de l'année 1918. L'article suivant, publié dans le journal A Fontenay n°160 revient sur la réaction des civiles menacés par les bombes et les obus du kaiser. 

 

Parmi les stratégie pour  chasser la peur, la fabrication de colifichet est en plein développement en ce début de 1918 comme je l'explique dans l'article suivant. 

Colifichets contre bombardements.

Hiver et printemps 1918, la guerre aérienne autour et sur Paris bat son plein. Fin janvier on s’en souvient, lors d’un grand raid aérien mené par les avions allemands gothas, la capitale avait été touchée. Fontenay-sous-Bois aussi. Deux enfants avaient été tués et leur mère blessée. Les destructions avaient considérables dans cinq rues de la ville. Dans la nuit du 11 au 12 mars 1918 un autre raid eut lieu. Il fut plus meurtrier que celui de janvier avec une centaine de morts. Une bombe tomba de nouveau à Fontenay, dans l’usine Gaveau rue Pasteur sans cependant endommager gravement l’entreprise. Mais quelques jours après, un autre danger menace. A partir du 23 mars et par intermittence jusqu’à début août, la région parisienne subit quatre campagnes de tirs de canons à longue portée. Il s’agit de pièces d’artillerie colossales que les troupes allemandes nomment les Pariser kanonen. Ces “canons parisiens“ ont pour but de toucher la capitale. Il s’agit, là encore, comme pour les raids aériens, de démoraliser la population française. C’est une invention de l’ingénieur Friedrich Rausenberger des usines Krupp. Les canons et leur plate-forme de tir pèsent 750 tonnes avec chacun. Ils ont un tube de 34 mètres de long pesant à lui seul 175 tonnes. Cette arme envoie des obus de 210 mm de diamètre et de 125 kg à la vitesse prodigieuse de plus de 1500 mètres par seconde ! D’une portée de près de 130 km, il ne faut que 2 à 3 minutes de vol aux projectiles pour atteindre leur cible capitale. Ils sont installés dans le Laonnois au milieu de l’Aisne à Bruyères-sur-Fère. La première journée de tir une vingtaine d’obus touche Paris et la petite couronne. C’est la stupéfaction pour la population et l’état major français.

Les habitants ont tôt fait de trouver donner le nom de “Grosse Bertha“ à cette arme. Ils se moquent ainsi de Bertha Krupp la fille du patron des usines d’Essen qui produisent l’acier. Au front les c’est un autre canon que les poilus ont ainsi surnommé depuis 1914. Un obusier lourd vomissant des projectiles de 800 kilos connu depuis le début de la guerre et le siège de Liège. Mais en 1918, les attaques du canon géant font pleuvoir en quelques mois sur Paris pas moins de 367 obus tuant 256 personnes et en blessant plus de 600. L’épisode le plus dramatique fut celui du vendredi saint. Le 29 mars, en plein office, l’église Saint Gervais juste derrière l’Hôtel de ville de Paris fut touchée. Il y eut 88 morts et 68 blessés. Un véritable carnage qui traumatisa la population par son ampleur et son caractère symbolique.

C’est à cette époque précise que l’on observe dans la population la diffusion massive de petits objets porte-bonheur censés protéger leurs porteurs des bombes. Les plus populaires de ces breloques sont sans nul doute les poupées de laine Nénette et Rintintin. Leur histoire est assez emblématique des mécanismes psychologiques mis en place dans et par une population effrayée. Sous la menace des bombardements, des doudous sont fabriqués pour se rassurer. Le nom de ces colifichets vient des poupées à tête de porcelaine que le dessinateur et affichiste Francisque Poulbot (1879-1946), très connu pour ses représentations des titis parisiens, avait dessiné avant guerre. Il s’agissait en ce début des années 1910 de reconquérir le marché français envahi par les jouets et le savoir-faire d’outre Rhin ! Ces poupées de 35 cm à chevelure rousse avaient reçu les noms de Nénette pour le garçon et Rintintin pour la fille.

 

Carte postale 1918. DR.

Carte postale 1918. DR.

Au début de l’année 1918, ces noms avaient été repris pour désigner les petits grigris de laine que confectionnaient les civils menacés. Ces petits objets de 3 à 5 cm de haut étaient confectionnés pour protéger un proche des bombes allemandes. Parfois déclinés en bijoux, ces colifichets dérisoires étaient surtout bons pour le moral. Ils avaient une fonction assumée de fétiche, d’objet magique visant à dévier le mal. Plusieurs exemplaires ont été apportés aux Archives Municipales.

Nénette et Rintintin colifichets contre les bombes.
Nénette et Rintintin colifichets contre les bombes.
Nénette du fontenaysien André Hanse. Collection Archives municipales de Fontenay-sous-Bois.

Nénette du fontenaysien André Hanse. Collection Archives municipales de Fontenay-sous-Bois.

Selon la superstition populaire, il fallait, pour que ses talismans soient efficaces, qu’ils aient été remis à un proche, donnés, reçus, échangés. Ces amulettes de laine ne pouvaient protéger celui ou celle qui l’avait confectionné. Il prenait son pouvoir de protection de l’échange, du don. Comme une sorte de résistance bravache et partagée. Il était parfois envoyé aux soldats par les marraines de guerre ou les amoureuse, les midinettes.

Dans cette guerre psychologique, cette bimbeloterie dérisoire avait autour du cou ou en sautoir une forme de défi, celui de continuer à vivre malgré la guerre et la mort menaçante. Et lorsque qu’à Fontenay retentissait l’alarme en ce début d’année 1918 les enfants le serraient sur eux afin de se sentir protégés.

Cartes postales 1918. Collection Archives Municipales de Fontenay-sous-Bois.
Cartes postales 1918. Collection Archives Municipales de Fontenay-sous-Bois.

Cartes postales 1918. Collection Archives Municipales de Fontenay-sous-Bois.

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