1 Avril 2013
A l'heure où internet est devenu le lieu de toutes les informations, de tous les savoirs et de toutes les recherches, une petit point de méthodologie pour les élèves.
L'exemple d'une recherche d'images sur le Google est tout à fait représentative des questions méthodologiques à se poser.
J'ai tapé ce matin dans "recherche d'images" le nom Vercingétorix. De nombreuses images sont apparues en rapport avec le nom de ce chef arverne. Les voici :
Pas moins de 34 images "de Vercingétorix" donc sur la première page !
L'ordre proposé est-il le meilleur, le plus pertinent en terme de réalité historique ? Une vérification s'impose. Car comme je le dis souvent à mes élèves "tout ce qui est écrit n'est pas forcément exact et doit être vérifié".
Ainsi lorsqu'on examine les neuf images de la première ligne, presque toutes sont des représentations de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle. C'est l'époque au cours de laquelle la France construit son nationalisme et invente son histoire nationale. Vercingétorix est alors élevé au rang de héros fondateur.
Le premier est un tableau de Lionel Royer (1851-1926) intitulé Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César. Il a été peint en 1899 et se trouve au musée Crozatier du Puy-en-Velay. Fier guerrier, le chef gaulois jette avec dédain ses armes aux pieds du vainqueur romain. Il reste droit et seul sa monture incline la tête.
La seconde image est une statue de 6,6 mètres de haut érigée sur l'ordre de Napoléon III en 1866. C'est une oeuvre d'Aimé Millet (1819-1891). Elle se trouve sur le Mont Auxois, près du site supposé d'Alesia.
Commande d'Etat, la statue repose sur un socle en granit de sept mètres haut dessiné par Eugène Viollet-le-Duc, architecte, restaurateur et alors membre de la Commission officielle des monuments historiques. Le socle porte l'inscription suivante :
«La Gaule unie, formant une seule nation, animée d'un même esprit, peut défier l'univers». Phrase tiré du livre de César La guerre des gaules (livre VII, chapitre 29). En dessous on peut lire la phrase qui marque la filiation symbolique : « Napoléon III, empereur des Français, à la mémoire de Vercingétorix ».
Les historiens ont récemment montré que la réalité des Gaulois était bien plus complexe que l'image d'une nation unie écrasée par "l'envahisseur romain".
On a donc affaire à une oeuvre de propagande dont la figure romantique à la moustache tombante et aux cheveux aux vents revient à chaque recherche sur ce personnage. Sur la première ligne de réponses elle apparaît 4 fois.
Vient ensuite la statue érigée à Clermont-Ferrand en 1903 par Auguste Bartholdi (1834-1904) à qui l'on doit aussi la statue de la Liberté de New-York et le Lion de Belfort sur la place Denfert à Paris. Elle se situe place de Jaude et représente Vercingétorix à cheval, vainqueur de Gergovie. Elle a été financée par souscription publique et porte sur son côté sud l'inscription : « J’ai pris les armes pour la liberté de tous ».
Ici, c'est donc ici le chef arverne victorieux commémoré dans la capitale de l'Auvergne. Il est coiffé d'un casque dit celtique doté de deux ailes latérales. Ce type de représentation, que l'on retrouve ensuite sur les paquets de cigarettes "Gauloises" ne semble pas avoir de justification archéologique. On est là plutôt dans le cadre du symbolique. A ses pieds gît un homme en costume de légionnaire romain.
On est donc avec ces oeuvres dans une reconstruction daté de l'image d'un héros mythique sorte de "père de la patrie", précurseur l'unité nationale que la seconde moitié du XIXe siècle a mis en oeuvre avec l'école de Jules Ferry.
Cette image que l'on pourrait qualifier d'idéologique voulant montrer un héros unifiant le pays ou redonnant du courage à ses troupes se perpétue par le dessin. On en a de beaux exemples qui apparaissent à la 3ème ligne d'images de cette recherche. Image qui a peuplé les manuels scolaires et marqué les esprits de millions d'élèves. Celle de l'illustrateur Henri Dimpre (1907-1971) reproduite ci-dessous reprend nombre de clichés. il est roux, porte des tresses, une moustache tombante comme l'ensemble des Gaulois représentés sur l'image et un casque ailé.
La recherche fait aussi apparaître des planches de la célèbre BD Asterix le gaulois de 1961.
"Vercingétorix rallient les tribus de la Gaule contre l'envahisseur romain". Manuel d'histoire du cours élémentaire, Nathan, 1955.
On a donc par cette recherche essentiellement des représentations de Vercingétorix datées entre 1866 et 1955.
La question que l'on doit se poser est donc de savoir si ces représentations datées, sont proches de la réalité ou si elles en donnent une image déformée.
Pour cela il faut se tourner vers l'archéologie.
Ce sont les pièces de monnaies qui nous donnent quelques indices sur le visage de Vercingétorix. Mais là encore il ne faut pas se fier aux apparences.
La première de ces pièces est un stratère en or frappé en 52 av. J.-C. par les Arvernes. Il a été trouvé dans le Puy-de-Dôme. Il porte effectivement l'inscription "VERCINGETORIX".
Cependant, les experts, historiens et numismates pensent que ce n'est pas le chef gaulois qui est représenté. Il pourrait plutôt s'agir, comme pour d'autres pièces gauloises de la même époque d'un portrait d'une divinité, peut-être Apollon. C'est la première des pièces qui apparait dans la recherche lancée. Le portrait fut parfois présenté comme celui du chef gaulois.
Cet exemplaire est conservé au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale.
La seconde pièce, celle qui apparait seulement en bas à droite de la page de recherche nous rapproche du chef gaulois. C'est un denier en argent. Cette pièce est postérieure à 52 av. J.-C.
Il montre un homme chevelu, barbu et moustachu enchaîné mains derrière le dos, assis. L'inscription CAESAR fait référence à Jules César, le vainqueur de Vercingétorix.
On sait par d'autres sources que Vercingétorix prisonnier fut exhibé, comme d'autres prisonniers, lors du triomphe de César à Rome e 46 av. J.-C..
La monnaie suivante qui n'apparaît pas en première page dans les résultats de la recherche internet.
Il s'agit d'une pièce romaine en argent frappée vers 48 av. J.-C.. Il y a là peut-être un portrait de Vercingétorix. Barbu, moustachu et cheveux longs. Il a une tête amaigrie, comme celle d'un vieillard. Mais il faut dire que s'il n'a qu'une trentaine d'années, il a déjà passé plusieurs années dans la prison du Tullianum à Rome.
On est assez loin des statues du chef fabriquées au XIXe siècle.
Une autre monnaie romaine de la même époque, elle aussi en argent, représente le même personnage. La forme de la barbe et le plis des cheveux sont légèrement différents.
La encore sur ce denier, on a une tête de vieillard, de prisonnier exhibé bien plus que celle d'un chef victorieux qui s'était fait proclamer roi des Arvernes.
C'est ce prisonnier qui est étranglé au mois d'août 46 av. J.-C. dans une prison romaine.
Pour finir cette page historique et méthodologique, le passage par un livret réalisé par une collègue Agnès Pleutin.
Cet ouvrage pédagogique et ludique contient différentes images présentées ci-dessus et un jeu de questions à la fois utile et amusant pour réviser la leçon...
Un livret à la fois amusant et utile.