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Un blog sur l'histoire, la géographie et l'éducation civique enseignées dans un collège de Fontenay-sous-Bois

Une rue dans la guerre mondiale...

Poursuivons notre exploration de Fontenay-sous-Bois dans la Première Guerre mondiale avec un zoom sur une simple rue de la ville et les conséquences que le conflit a eu sur ses habitants. 

 

Il s'agit de la rue Pasteur dont une image d'il y a un siècle et d'aujourd'hui montrent que sa structure et son bâti ont relativement peu évolué.  

Une rue dans la guerre mondiale...
Une rue dans la guerre mondiale...

C’est une rue comme beaucoup d’autres. Une petite rue pour tout dire. Une rue assez  récente que la rue Pasteur durant la Première Guerre mondiale. En effet le projet de la créer dans ce secteur n’est venu à l’idée de la municipalité qu’en 1892. Au départ le Chemin du Milieu qui débouchait de façon perpendiculaire dans la rue Emile Roux  a été redressé. A l’automne 1895 le début de cette rue est aménagé. C’est l’époque du décès de Louis Pasteur. La ville décide de donner le nom de ce grand scientifique, biologiste et chimiste, inventeur du vaccin contre la rage, à la nouvelle rue. C’est un endroit qui voit ensuite se bâtir quelques maisons de ville, des pavillons et de petits immeubles. En 1903, sur la gauche de la rue, l’installation de l’usine pharmaceutique Hoffmann-La Roche marque le paysage avec sheds. Une fabrique de médicaments rue Pasteur, on est dans une certaine logique ! Dans ce quartier  qui s’industrialise rapidement elle est mitoyenne de l’usine Gaveau. En face des laboratoires de petites entreprises s’installent. Les espaces d’habitation se placent de façon disséminée des deux côtés de la rue. Ce n’est qu’à partir de 1912 que le bout de la rue, au delà de Jean-Jacques Rousseau est aménagé. Elle se termine à la limite de Vincennes à 700 mètres de son commencement mais ce nouveau tronçon n’est pas encore viabilisé. Au début de la guerre il y a encore dans le secteur de nombreux terrains à bâtir.  Au début de la rue, sur la droite, il y a le lieudit du “Chêne du Milieu“ occupé de nos jours par l’école. Au delà de la rue Jean-Jacques Rousseau sur la gauche, le lieudit “La Tombe“ est complètement vide. La ligne du métropolitain n’a pas encore été prolongée jusqu’au château de Vincennes et ses ateliers ne sont pas encore imaginés.

Lorsque la guerre éclate, c’est une rue en développement dans ce quartier encore assez nouveau. La population a dépassé depuis déjà un bail 380 habitants. Ce sont majoritairement des gens modestes dont les métiers montrent le caractère populaire. Des employé-e-s de commerce côtoient un tailleur d’habits, une couturière, un charcutier, un boucher, un coiffeur, un peintre en bâtiment, un ébéniste… Ces professions du commerce et de l’artisanat voient aussi s’installer des ouvriers dont l’activité est en lien avec le développement industriel récent du secteur. Le journalier voisine avec l’usineuse et la teinturière avec le manutentionnaire de chez Gaveau. Si de nombreuses femmes (et quelques hommes) sont “sans profession“ beaucoup trouvent de l’ouvrage avec la guerre pour faire rentrer un peu d’argent. Les “ménagères“ ou femmes au foyer restent encore nombreuses s’occupant des enfants et faisant les commissions à la boutique d’approvisionnement général située au n°3, sur le mur de laquelle s’affiche une publicité pour le chocolat Menier.

Cette petite rue tranquille et néanmoins laborieuse subit de plein fouet les conséquences de la guerre. La quasi totalité des hommes de 20 à 45 ans est mobilisée. Dès la fin de l’été 1914, le vide est immense dans la rue d’où une large tranche d’âge de la population masculine a complètement disparu. Des dizaines et des dizaines de jeunes hommes sont sous les drapeaux intégrés dans différents régiments d’infanterie. La guerre qui les projette d’une rue paisible sur les champs de bataille pilonnés par les obus et arrosés du feu de la mitraille. C’est un choc indescriptible. La rue Pasteur est très rapidement endeuillée. Louis Joseph Couvé, sergent au 43e Régiment d’Infanterie Coloniale est mortellement blessé dès le 23 août 1914 lors de la bataille des frontières à Morhange en Moselle. Sa femme Anna est la première veuve de la rue. Fin août elle reçoit à son domicile, situé au numéro 13,  la visite du facteur et une lettre l’informant du décès de son époux âgé de 30 ans. Les décès se succèdent ensuite à un rythme important. Le 13 octobre c’est Henri Précigout soldat de 25 ans qui réside dans l’immeuble du n°75 qui meurt de ses blessures dans la Meuse puis le 30 du même mois c’est Gabriel Delgery qui tombe « tué à l’ennemi » dans le même secteur. Sa femme Clémence revêt un habit de deuil qui glace d’effroi les habitants du n°77. L’année suivante ils sont cinq habitants de la rue à tomber au “champ d’honneur“. Charles meurt dans l’Aisne en janvier, Eugène en juin dans le Pas-de-Calais suivi par Jules dans le même secteur en juillet puis par Louis dans la Meuse le même mois. L’horreur atteint son comble lorsque les habitants de l’immeuble du 11 rue Pasteur apprennent début mars le décès du jeune Maurice Feller, engagé volontaire de 18 ans qui s’est éteint suite à ses blessures dans un hôpital provisoire d’Orléans. Son voisin Marcel lui aussi mobilisé sait combien la vie de poilu est précaire. Il profite donc pleinement de ses rares séjours à Fontenay. Dans une carte postale représentant la gare qu’il envoie en mars 1917 à un ami il écrit : «étant favorisée par un temps superbe, ma permission se passe le plus agréablement du monde». Loin des tranchées en effet la vie semble si douce.

La rue n’est pas au bout de ses malheurs. La famille Duflos qui réside dans le bel immeuble du n°75 perd deux de ses membres. Raymond est tué dans la Somme en septembre 1916. René lui est fauché dans l’Aisne en août 1918. Après guerre leurs dépouilles sont rapatriées et inhumées près de leurs compagnons d’armes dans le cimetière communal. Avec 15 morts en tout, la rue Pasteur a payé un bien lourd tribut à la guerre…

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