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Un blog sur l'histoire, la géographie et l'éducation civique enseignées dans un collège de Fontenay-sous-Bois

Gaulois, vous avez dit Gaulois ?

Gaulois, vous avez dit Gaulois ?

Lors d'une réunion publique dans le Val-d'Oise un homme politique de premier plan, l'ancien président de la République Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa, parlant d'assimilation et s'adressant aux jeunes qui deviennent français a déclaré: "Au moment où vous devenez français, vos ancêtres ce sont les Gaulois et c'est Vercingétorix".

Revenons un peu sur cette phrase qui a déclenché une polémique. La question de l'identité est au coeur du propos. Je l'avais déjà évoqué dans un article que vous retrouverez ci-dessous sur l'image des Gaulois dans l'histoire nationale.

Le propos de l'ancien chef de l'Etat se situe non pas dans le domaine historique mais plutôt dans celui du projet politique. En effet les historiens et les amateurs d'histoire savent bien que "les Gaulois" dont on nous parle sont une construction intellectuelle à but politique depuis bien longtemps. C'est Jules César qui dans son ouvrage de Commentaires sur la guerre des Gaules a forgé l'image des Gaulois. Son but était, par ses conquêtes et son livre de propagande, d'accéder au pouvoir à Rome.

Puis c'est à l'époque du Second empire puis surtout de la IIIème République que s'est édifiée l'image d'Epinal, historiquement douteuse, d'un Vercingétorix chef d'une nation Gauloise qui dans les faits n'a jamais existé. On était là dans la construction d'un récit national et la création d'un héros légendaire combattant l'envahisseur.

Cette épopée créée à la fin du XIXe siècle est évidemment une construction idéologique faite pour renforcer le sentiment national largement mis à mal par la défaite de Sedan face à la Prusse. Et peu importe que la réalité historique des différents peuples gaulois soit bien différent et beaucoup plus complexe, le sujet n'est pas là.

Le sujet est celui de l'identité nationale qu'un autre président de la République, François Mitterrand, évoquait avec humour dans une allocution en 1987 à la Sorbonne. Le magazine Marianne revient sur son discours et les représentations qu'il portait alors.

Il y a trente ans déjà, François Mitterrand se moquait de "nos ancêtres les Gaulois", cette vielle antienne très en vogue à l'extrême droite. Une archive que l'Ina a pris un malin plaisir à exhumer ce mardi, au lendemain d'une sortie remarquée de Nicolas Sarkozy sur le sujet.

Les forces de l'esprit planent sur la polémique du jour. Vingt ans après sa mort, François Mitterrand se retrouve ce mardi 20 septembre en pleine actualité au lendemain de la déclaration remarquée de Nicolas Sarkozy sur "nos ancêtres les Gaulois".

Toujours plus loin dans l'identitaire, le candidat à la primaire de la droite s'est fendu d'une nouvelle image pour résumer sa conception de l'identité française : "Dès que vous devenez français, vos ancêtres, ce sont les Gaulois. J’aime la France, j'apprends l'histoire de France, je vis comme un Français, doit se dire celui qui devient français", a-t-il complété lors d’une réunion publique à Franconville, dans le Val-d’Oise. S'il prend bien soin de ne pas dire qu'il faut avoir des ancêtres gaulois pour être français, Nicolas Sarkozy n'est pas sans savoir que la référence donne à son discours comme un air d'extrême droite, relevé en masse sur les réseaux sociaux.

Ce débat, François Mitterrand y avait apporté sa réponse il y a pratiquement trente ans. Une archive vidéo que l'Ina, l'institut national d'audiovisuel, a pris un malin plaisir à exhumer ce mardi sur Twitter. Nous sommes le 18 mai 1987. Le premier président de gauche de la Vème république, intervenant lors d’un colloque sur "La France et la pluralité des cultures" organisé à la Sorbonne par l'association "France Libertés", disserte sur cette fameuse antienne qui ressort régulièrement à (l'extrême) droite :

"Nous sommes français, nos ancêtres les Gaulois, un peu romains, un peu germains, un peu juifs, un peu italiens, un peu espagnols, de plus en plus portugais, peut-être qui sait polonais, et je me demande si déjà nous ne sommes pas un peu arabes…" Rires dans la salle. "Je reconnais que voici une phrase imprudente, c'est celle-là qui sera épinglée et qui incitera à dire : 'Vous voyez bien, c'est le président de la République qui l'a dit"… Ils me répéteront peut-être sans mettre exactement le même sens au propos que je tiens…"

Et François Mitterrand d'expliciter, justement, sa pensée, appelant à "refuser tous les appels de l’inconscient, de je ne sais quel subconscient mal réglé ou mal dirigé"et "à choisir l'unité de la France à construire".

Magazine Marianne

Gaulois, vous avez dit Gaulois ?

On est là sur une question de fond. François Mitterrand dresse une liste (un peu sommaire et incomplète) de peuples qui ont, par leurs arrivés successives au fil des siècles, accumulé leurs individualités et participé à construire ce qui est devenu le peuple de France. On pourrait y ajouter les Grecs qui ont fondé Marseille ou Nice, les Normands, les Chiliens, Libanais, les Maliens, les Chinois ou les réfugiés arrivés plus récemment de Syrie ou d'Irak et bien d'autres encore...

La question est de savoir ce que ceux qui arrivent en France et au fil des générations deviennent français doivent ou peuvent garder de leurs origines. Doivent-ils tout abandonner, tout renier du passé de leurs ancêtres pour n'apprendre que le roman national démodé d'une identité réduite aux seuls Gaulois ?

Moi qui ai dans ma famille et ses ascendants des Corses, des Allemands, des Savoyards, des Juifs de Constantine, des Suisses et autres habitants venus de Transylvanie j'en doute. Dans un pays où un français sur quatre a au moins un de ses grand-parents venu d'ailleurs la question des racines de chacun est importante. Est-il possible et souhaitable de priver de la richesse culturelle, linguistique et de l'imaginaire qui nous vient de ceux qui nous ont précédé ? Je ne le pense pas. Une identité plurielle me semble plus "naturelle" qu'une uniformisation standardisée qui assècherait et appauvrirait le pays et les coeurs.

Aux propos assimilationnistes et un peu réducteurs pour ne pas dire castrateurs de M. Sarkozy, je préfère le conseil de mon ami Arsène Tchakarian, résistant d'origine arménienne, dernier survivant du groupe Manouchian et historien. Lors d'une visite à Fontenay-sous-Bois en 2013 il déclarait: "Les enfants, aimez votre pays, sans oublier bien sûr votre pays de vos aïeux. Mais sachez que le plus grand danger, les guerres sont le fait des fascistes..." C'est là une conception bien différente de l'identité résumée en quelques mots par un très vieux héros. Un homme toujours aussi enthousiaste, jeune d'esprit et lucide politiquement. C'est aussi un avertissement utile et un sage rappel à un moment où certains jouent avec le feu pour tenter de gagner quelques voix.

Je tenais à faire partager ce point de vue...

Et pour être tout à fait complet sur le sujet des Gaulois, un lien vers les réactions de deux historiennes qui remettent la question du lien entre histoire, identité nationale et politique au coeur du débat...

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