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Un blog sur l'histoire, la géographie et l'éducation civique enseignées dans un collège de Fontenay-sous-Bois

Pokémon Go un phénomène intéressant à observer...

L'arrivée de l'application de jeu Pokémon Go cet été 2016 a été un événement tout à fait important qui a suscité de nombreux commentaires dans les médias.

Il est vrai que dans de très nombreux lieux on peut croiser des dizaines ou des centaines de jeunes (ou moins jeunes) gens smartphone ou tablette à la main à la recherche de ces créatures virtuelles à capturer et à dresser. De Paris au cercle polaire arctique et de la mer Baltique à Berlin en passant par le Pont du Gard et la Normandie, j'en ai vu des centaines lors de mes vacances.

Même à Fontenay-sous-Bois le phénomène est présent à tel point que le journal municipal s'en fait l'écho...

Ce qui me semble intéressant dans l'utilisation de cette application est la combinaison entre l'espace réel et le jeu. Elle oblige les futurs dresseurs de Pokémons à arpenter le monde réel et à y faire des rencontres. Rencontres d'autres joueurs mais aussi le cas échéant de réalités culturelles comme le montre le reportage suivant sur l'initiative du Louvre Lens qui s'est prêté au jeu afin d'attirer des visiteurs qui sans le jeu n'auraient sans doute jamais mis les pieds dans ce musée.

Cette insertion d'une réalité dite virtuelle dans le "monde réel" est un phénomène majeur de la révolution numérique sur lequel j'ai été amené à réfléchir depuis quelques temps.

La distinction un peu artificielle entre "monde tangible" et "monde virtuel" est largement remise en cause par ce développement de la "réalité augmentée". Ceci dit, toute personne qui a un peu réfléchi à ce qu'est la géographie, à la notion d'espace vécu comprend bien que toute représentation du monde (carte, images et cartes mentales) sont déjà largement "virtuelles".

L'article qui suit, paru dans le journal L'Humanité Dimanche du 11 août 2016 donne in point de vue réfléchi sur un certain nombre de conséquences de cette révolution de la réalité qui sont majeures dans la vie quotidienne de très nombreux humains.

Augmentée ou virtuelle. La réalité bouleversée pour le meilleur et pour...

Pia de Quatrebarres, 11 AOÛT, 2016.



L'Humanité dimanche, 11 août 2016.

Photo L'Humanité, DR.

Photo L'Humanité, DR.

Un Pokémon apparaît dans une salle d’accouchement, lors de funérailles ou d’un match de basket… Depuis un mois, Pokémon Go fascine des millions de joueurs à travers le monde. Ils cherchent des petites créatures à travers la ville, via leur smartphone. Au-delà du jeu, la réalité augmentée franchit un nouveau seuil : elle s’inscrit dans le monde social, la vie quotidienne. Comment va-t-elle transformer nos vies ?

«Vous devez vous détendre, John Anderton, partez en voyage avec nous. » En 2054, des hologrammes publicitaires vous interpelleront dans la rue pour acheter un séjour, une voiture Lexus, un jean Gap ou un parfum Bulgari. Dans le film « Minority Report » (2002), voilà à quoi ressemble la réalité augmentée, version Spielberg. Ça, c’est pour le pire. Pour le meilleur, un prof d’histoire pourra guider ses élèves à l’intérieur d’une pyramide égyptienne sans avoir à bouger de sa classe.

Aujourd’hui, on en est surtout à des petits monstres qui ont pris possession de la ville. Depuis début juillet, la planète entière semble s’y être mise. Plus de 30 millions de joueurs, plus que Twitter ! La presse, forcément, ne bruisse plus que de cela. Il faut dire que le rouleau compresseur marketing de Niantic (ex-filiale de Google), l’éditeur du jeu, et la Pokémon Company ont bien aidé !

Concrètement, il s’agit de télécharger, gratuitement, l’application sur son smartphone. Le joueur devient dresseur de Pokémon, ces petites bestioles créées par Game Freak dans des jeux édités par la firme japonaise Nintendo en 1996. Il doit capturer des Carapuce, Rattata ou Salamèche… dans la vraie vie, grâce à un ingénieux système mêlant géolocalisation et réalité augmentée. Le joueur déambule dans la ville. Un Pokémon apparaît sur le plan du quartier dérivé de Google Maps. Le téléphone passe alors en mode appareil photo, et la créature surgit, à l’écran, dans un buisson, sous la table de cuisine, sur le bureau.

Qu’y a-t-il de nouveau ? « Techniquement, pas grand-chose », répond Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Nantes. Mais « en termes de popularisation ou d’inscription dans le monde social de ces technologies, on est en train de franchir un palier par la masse du nombre d’utilisateurs. C’est la première fois que le grand public avec un coût zéro, puisque l’application est gratuite, même s’il y a des achats payants, se confronte à ce type de phénomène ».

Car, au centre du jeu, il y a la réalité augmentée. Depuis des années, les salons high-tech en parlent comme « the next big thing », « la prochaine grande évolution ». La réalité augmentée consiste à enrichir visuellement la réalité d’informations ou d’images générées par un accessoire dédié, à incruster des éléments virtuels dans des images réelles, en temps réel. Elle suppose donc d’avoir un objectif pour filmer une scène et un écran pour la restituer en temps réel, enrichie des données supplémentaires.

On l’oppose parfois à sa technologie sœur, la réalité virtuelle, qui, elle, repose sur l’immersion. Elle plonge l’utilisateur dans un monde virtuel englobant, à la manière de la matrice dans « Matrix » (1999). Via des casques de réalité virtuelle, l’utilisateur peut y promener son regard, s’y déplacer et même y interagir à la manière d’un jeu vidéo, plus contenu dans un simple écran mais entourant le joueur. La déconnexion du réel est alors totale.

50 ans d’échecs... avant la réussite

Le concept a commencé à prendre forme dès les années 1960, dans un laboratoire du Massuchusetts Institute of Technology (MIT) de Boston : un premier casque de visualisation 3D voit le jour. Puis, plus rien ou presque, pendant des années. Il réapparaît au milieu des années 1980, d’abord à la NASA. Dans les années 1990, des expérimentations sont menées dans des champs aussi variés que la maintenance des véhicules mi­litaires et civils, la réparation d’outils, la chirurgie, le jeu ou le tourisme. En 1995, Nintendo, déjà, tente l’expérience avec le Virtual Boy. La console, qui ressemble à un casque de réalité virtuelle, sera un échec total. Autre échec : le projet Google Glass, arrêté en 2015 par « manque d’applications ». En bref, pas d’utilités. Pour 1 500 dollars, le public ne s’en est jamais saisi… Équipées d’une caméra intégrée, d’un micro, d’un pavé tactile sur l’une des branches, de mini-écrans, d’un accès à Internet par Wi-Fi, les lunettes ont surtout séduit des chirurgiens pour opérer connecté à un confrère à l’autre bout du monde. Et la police de Dubai, pour faire en direct dans la rue de la reconnaissance faciale de personnes recherchées.

Ludification du réel

Tous les grands investissent ces segments. Facebook a commercialisé son Oculus Rift, un casque de réalité virtuelle. Microsoft s’est jeté dans la bataille avec HoloLens, un casque, là encore, qui permet d’ajouter du contenu (hologrammes, textes, vidéos) dans le champ de vision.

Aujourd’hui, les trois secteurs qui portent ces applications sont « le culturel, le médical et le ludique. À la fois en termes d’enjeux économiques, mais aussi en termes d’enjeux sociaux et technologiques. Mais, avec Pokémon Go, c’est la première fois qu’il y a cet effet de ludification du réel », poursuit Olivier Ertzscheid.

Car la réalité augmentée est bien une technologie de trucage du réel. Mais avec des effets dans la vie. Quand un Pokémon apparaît dans une salle d’accouchement ou au milieu du musée de l’Holocauste, « ça crée un effet de réel qui déplace concrètement l’attention des gens et qui a des effets non pas sur la réalité augmentée mais sur le réel », reprend le chercheur.

Un outil performant...

La chirurgie version réalité augmentée : dans les CHU français, les chirurgiens utilisent la réalité augmentée pour voir, par exemple, la manière dont ils vont extraire une tumeur avant d’opérer. Au service de neurochirurgie du CHU de Nancy, les chirurgiens peuvent voir ce qui se trouve réellement en avant ou en arrière de l’objet qu’ils observent – ce que la vision par radiologie 2D ne permet pas. À l’Institut hospitalo-universitaire de Strasbourg, on travaille sur « l’opération du futur », « une vision superposant réel et virtuel, et permettant de se repérer pendant l’opération, mais aussi d’aider, avant l’acte, au choix de la thérapie ».

Pokémon Go un phénomène intéressant à observer...

La réalité augmentée s’incruste de plus en plus au musée : parmi quelques exemples, au musée d’Orsay, les visiteurs peuvent découvrir différemment « l’Atelier du peintre », de Gustave Courbet. Équipés d’une tablette tactile, ils filment le tableau à l’aide de la caméra de l’appareil. L’œuvre se transforme alors à l’écran : de nouvelles informations sur les personnages apparaissent. L’objectif est de « plonger dans la psychologie, les émotions, l’affectif, l’histoire des 33 personnages du tableau ». Au château de Chambord, l’application HistoPad offre une visite virtuelle des pièces au temps de la Renaissance : la distribution, le décor et l’ameublement de certaines d’entre elles au début du XVIe siècle ont pu être réimaginés.

… Au service des publicitaires et du marketing

La réalité augmentée pour faire vendre : les études marketing n’en peuvent plus. Elles s’appuient sur des sondages et enquêtes pour tenter de montrer que la réalité augmentée pourrait multiplier significativement les ventes parce qu’elle propose « une expérience client » et est vécue comme « moderne ». En Corée du Sud, la marque North Face a ainsi proposé une « expérience immersive » à ses clients pour vendre des manteaux. Avec un casque, ils se baladaient dans une course de traîneaux à chiens… la marque n’a pas dit si elle avait vraiment augmenté ses ventes. Les apparitions aléatoires de Pokémon : les messages sont un peu hallucinants. Les forces de l’ordre sont obligées de rappeler aux joueurs « Pokémon, ne jouez pas au volant ! Piétons, redoublez d’attention ». Il faut dire que, en un mois, les histoires s’accumulent, entre les accidents de voiture et les adolescents chasseurs de Pokémon mis en joue par un retraité… qui croit à un cambriolage. Désormais, les grandes enseignes, pour faire venir les Pokémon, donc les clients, pourraient payer pour les faire apparaître dans leurs magasins !

Un changement de changement dans la vie des habitants (au moins de ceux qui sont connectés) majeur qui aura nécessairement dans le domaine de l'éducation. Le rapport à la réalité physique, à la culture, à l'histoire, à la géographie bref au monde sont en train de changer à grande vitesse et avec une ampleur inédite jusques là.

Cette révolution a et aura des conséquences pédagogiques, j'y reviendrai...

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